En 1777, il y a à peine quarante ans que
Maritz a inventé le procédé de forage des canons pleins qui, jusqu'alors, étaient coulés creux.
Réaliser une fonderie de canons impliquait donc de créer une forerie pour ces alésages.
Peu de moyens existent à cette époque pour mouvoir les appareils propres à réaliser
cette opération dans de bonnes conditions :
- La vapeur est écartée car technique trop récente pour la France, elle n'est que
trop mal maîtrisée.
- La force hydraulique comporte de sérieux atouts et le site retenu s'y prête très
bien.
- La force animale comporte avantages et inconvénients.
Toufaire, dans un rapport, fait ressortir ces derniers points et De Sartine rejoindra son
point de vue le 19 octobre 1777 en écrivant que le
«
moyen qui consiste à employer des chevaux pour mettre le moulin en action exige
moins de temps et de dépense » mais qu'«
, il y auroit à craindre que la
difficulté de donner aux chevaux un mouvement toujours égal, n'empêchât de rendre le
forage aussi parfait qu'il doit l'être ». Il confirmera sa décision le 10 janvier
1778. Si le 29 janvier, Toufaire signe un plan pour une forerie à chevaux «
destinée
à forer les canons de 12 et les calibres inférieurs en attendant que la machine
hydraulique projetée et commencée pour tous les canons soit achevé », plan que de
Sartines renvoyât, revêtu de son approbation dès le 6 février, en préconisant «
pour que vous le fassiez exécuter le plus tôt possible », ce dernier dut,
très vite, faire marche arrière face aux retards que prenait la construction
initialement prévue mais, plein d'optimisme, il continue de croire que cette solution ne peut
être que provisoire. Le 24 avril, il écrit encore : «
Puisqu'il y a apparence que
la machine hydraulique sera en état de forer des canons presqu'en même temps qu'il en
sera coulé, il est inutile de faire l'achat de huit chevaux pour le moulin à manège.
Dans le cas où il sera nécessaire de se servir de ce moulin, vous aurez recours ainsi
que vous le proposez à des chevaux de louage attendu que ce ne peut être que pour très
peu de temps ».
Pourtant, le premier canon (calibre de 6) qui sera foré à Indret le sera le 3
août 1778, par le manège à chevaux avec deux animaux. Ce manège était prêt dès
le mois de juillet, seuls les forets manquaient à cette époque. Il faudra
attendre encore plusieurs mois pour que la forerie hydraulique soit en état
d'effectuer son premier forage.

Cet atelier était accolé au mur ouest
du bâtiment dit "de l'horloge" qui subsiste toujours aujourd'hui à Indret et dont on
voit, sur les vues ci-dessus le toit en forme de bateau renversé. Il comprenait un rez-de-
chaussée où se trouvait la forerie et un étage où les chevaux entraînaient
l'appareillage. Les chevaux montaient à cet étage par une rampe extérieure inclinée
située sur le côté droit des vues. En plein milieu de l'atelier et sur les deux étages
trônait un arbre vertical de près de 5,15 m de haut pour une section carrée de 40 cm
de côté.
A l'étage, l'extrémité supérieure de l'arbre est munie de quatre « ailes en bois
de chesne » elles-mêmes équipées de systèmes pour pouvoir y atteler à chacune
deux chevaux, soit un attelage de huit chevaux qui entraîne en rotation l'arbre.
En ce qui concerne le rez-de-chaussée, deux inventaires datés du 8 septembre 1780 et
du 4 messidor An II (22 juin 1794) nous font apparaître deux systèmes différents :
- Septembre 1780 :
Seuls un tour et un forage de canon sont mentionnés
(sur la vue ci-dessus, on ne voit que le canon en passe d'être foré).
L'arbre vertical dispose d'une roue dentée conique horizontale
d'environ 3,35 m de diamètre également en chêne. Il est à noter que les 71 dents
de cette roue sont rapportées et sont en fer de fonte pour pouvoir être
interchangeables en cas d'usure excessive. Sur cette roue, viennent s'engrener
deux autres également coniques d'un diamètre de 1,16 m équipées de 25 fuseaux qui
entraînent le foret et le tour.
Le chariot porteur du foret est du même type que celui de la forerie hydraulique
à l'exception de son système d'avance automatique. Dans la forerie hydraulique, le
système était mû par deux leviers sur lesquels étaient accrochés directement des
contre-poids. Dans le manège, les contre-poids sont
accrochés à un cordage qui, par le biais de deux poulies, viennent agir sur les leviers
fixés sur l'arbre d'entraînement des roues du chariot.
Autre particularité de ce moulin : il existe en partie supérieure, au-dessus
de l'espace occupé par les chevaux, une autre roue horizontale montée sur l'arbre
principal qui avait pour fonction de faire tourner un moulin à moudre le charbon. Deux
meules dont l'une est fixe procédaient à cette opération. Un entonnoir était
placé au-dessus pour verser le charbon (le broyage du charbon était une
phase préparatoire à la confection de coke pour alimenter les fourneaux).
- Juin 1794 :

Ce sont désormais quatre forages simultanés de canons qui deviennent possibles.
L'arbre vertical (A1) est toujours présent mais la roue (R1) qui l'équipe ne fait
plus que 1,60 m de diamètre. Ce sont désormais trois autres roues (R2)
de 1 mètre de diamètre qui viennent engrener avec la principale. Deux de ces
roues entraînent chacune un arbre (A2) sur lequel est fixée une roue (R3)
engrènant avec deux autres roues (R4) qui entraînent elles-mêmes un axe (A3)
faisant tourner quatre petits canons de calibre de 2 à 6.
La troisième roue (R2) entraîne un axe A4 portant un alésoir en fonte de 12 pieds
de long (4 m) et 6 pouces de diamètre (0,150m).
