Si l'on excepte la venue sur l'île d'Indret de Saint Hermeland,
aucun renseignement ne nous est parvenu sur les siècles suivants. Il faudra
attendre le XV° pour savoir que le château qui existait à l'époque appartenait
au duc Jean V de Bretagne et qu'il y avait un métayer chargé de le gérer. Nous
sommes alors en 1420.
Babron, dans un ouvrage qu'il édita à la fin des années 1860 écrit à propos de
ce château : « en 1594, il était dans un tel état de vétusté que le duc de
Mercœur dut le faire rebâtir. Depuis cette époque, il a subi, à
différentes reprises, surtout de 1777 à 1826, tant de réparations importantes,
soit en agrandissements, soit en modifications, qu'il a perdu en grande partie
son antique physionnomie. Ses quatre tourelles, qu'il a conservées, ont elles-mêmes
été modifiées ; elles avaient jadis des meurtrières à divers étages. De
plus, il était entouré de fossés, et n'était accessible que par un pont-levis
placé au-dessous de la façade Est. Cette façade était défendue, de même que les
côtés Nord et Sud, par des machicoulis. C'est en 1828 qu'on a supprimé le pont-levis
et comblé les fossés. Sur la terrasse, c'est-à-dire du côté Est, il y
avait un monticule assez élevé, où, paraît-il, existait une fugue. Cette
élévation a servi en 1815, à faire un fort armé de deux canons de gros calibre ».
Durant les périodes qui vont s'ensuivre, ce château
passera en de nombreuses mains, c'est ainsi que 28 ans plus tard, le duc
transférera à Marguerite d'Orléans, comtesse d'Etampes et de Vertou les
seigneureries de l'île et du château. D'autres jouissances seront ensuite
accordées à différents hauts personnages mais c'est surtout :
le duc de Mercœur
Louis Duplessis
Abraham Duquesne
dont la mémoire populaire se souvient.
a) le Duc de Mercœur :
Hormis ce château, il existait sur l'île :
A proximité immédiate, une « orangerie » qui existe toujours bien
qu'elle ait connu des affectations différentes (menuiserie du temps de la
fonderie, puis infirmerie pendant une bonne partie du XX° siècle). Cette
orangerie est plus connue actuellement, sous le nom de « bâtiment de
l'horloge ». Située juste à côté du château, elle nécessita, elle aussi,
avant la mise en place de la fonderie un minimum d'entretien notamment au
niveau de sa toiture puisque en 1749, 850 livres durent y être consacrées.
Sa principale caractéristique architecturale réside dans sa charpente en
forme de carène renversée de navire.
une chapelle située au nord-est du château servait pour les offices
des résidents. C'est sur l'emplacement de cette chapelle que sera
construite par la suite une boulangerie qui appartiendra à Jean Violin,
dernier maire de St Jean de Boiseau avant la scission avec La Montagne et
futur premier maire de cette nouvelle commune. C'est encore à cet
emplacement que sera édifiée une maison d'habitation réservée aux Sous-
Directeurs pendant le XX° siècle.
un moulin beaucoup plus à l'ouest. Ce moulin est toujours en activité
pendant le XVIII° et le début du XIX°. Il est affermé à des particuliers
qui l'exploitent. A partir de 1818, le fermier juge son loyer trop élevé.
Ce montant, 135,00 F par an, est reversé à la Caisse des Invalides. En
1824, les administrateurs envisagent sérieusement de changer le mode
d'attribution qui se passait de gré à gré pour s'orienter vers des
enchères publiques ou soumissions cachetées. Ce moulin « est peu employé
et d'un faible produit pour le fermier, il n'y a qu'un malheureux presque
sans ressource comme le nommé Guilbaud qui puisse se charger d'un pareil
fermage ». Finalement, celui-ci ne sera plus loué que pour une
somme de 120,00 F. En 1828, Gengembre, chargé de la création de la
manufacture royale de machines à vapeur qui doit remplacer la fonderie
écrit dans son premier rapport : « Le moulin à vent
(38) du plan général est loué en ce moment 120 F qui sont versés dans la
caisse du Domaine par les motifs ci-dessus exposés, le bail relatif à
cette location qui expire au 1er avril prochain ne devra pas être
renouvelé. Ce moulin pourra servir à broyer le charbon qui entrera dans
les travaux de moulage ».
l'oratoire de St Hermeland avec son architecture si typique, deux
tours accolées et revêtues d'un parement de pierres saillantes. La
tradition locale veut que ce soit Hermeland qui ait fait bâtir cet
édifice. Une légende prétend, elle, que cette construction est due à
St Martin de Vertou mais que cette bâtisse était dans un tel état de
décrépitude quand Hermeland y vint qu'il la fit refaire. Il est plus
vraisemblable d'octroyer cette construction au duc de Mercœur qui
l'aurait fait aménager pour bénéficier d'un lieu de détente sur l'île au
sein d'un parc paysager. L'édifice est conçu pour pouvoir monter sur sa
toiture et bénéficier d'un point de vue sur toute l'île et ses environs.
Cet oratoire connaîtra plusieurs modifications puisqu'il devint de 1828
à 1845 une maison d'habitation pour des gardiens. Durant la période
révolutionnaire en 1793 et ensuite en 1815, lorsque l'on se mit à craindre
la recrudescence de mouvements vendéens, des canons furent même implantés
sur sa toiture et autour pour protéger l'île. Ce n'est qu'à partir de
1845 que cet édifice fut rendu au culte après que des réparations furent
effectuées.
un chantier de constructions navales avec quelques logements. Un
garde-magasin y demeurait en permanence pour la surveillance du dépôt de
bois mais aussi pour celle de l'île et du chantier. C'est ainsi que
plusieurs frégates y virent le jour mais également des transports de
matériels de 200 tonneaux.
un colombier et les ruines d'un petit belvédère.
En 1777, alors que la France manque cruellement de canons
pour sa flotte, de Sartine, Ministre de la Marine décide d'implanter à
Indret, sur les bords de la Loire à quelques dizaines de kilomètres de
l'embouchure de ce fleuve, et à 10 kilomètres en aval de Nantes une fonderie
royale de canons.
Mais cette décision ne se prit pas de suite. En mars 1777, de Serval est
nommé pour assister Wilkinson qui est chargé de cette implantation. Sitôt
nommé, il se montrera prêt à rejoindre la région nantaise mais « il
propose donc de ne se rendre à Nantes qu'après que l'acquisition du terrain
propre aux établissements projetés aura été faite et que les plans des
bâtiments à exécuter auront été dressés et envoyés ici ». A la mi-avril,
Wilkinson a déjà visité les premiers sites dont Indret.
Le choix fût vite effectué puisque dès le 2 mai, le Ministre nous informe
que ses prospecteurs se sont assurés que « cette isle est le lieu le plus
convenable pour les opérations qu'il doit entreprendre [...] et
qu'ils sont ocupés à dresser les plans et le devis des établissements qui
doivent être faits ».
Incontestablement,
c'est la Loire qui tint le premier rôle dans ce domaine.
La Loire est la charnière qui relie les régions du centre de la France où l'on
trouve mines, charbons et autres produits nécessaires pour la fonte nécessaire à la
fabrication des canons.
Ruelle, autre fonderie dépendant de la Marine est déjà implantée un peu plus
au sud et permet le transport de ses produits par la Charente. De là, l'embouchure
de la Loire n'est que très peu éloignée pour rejoindre Indret.
Ce fleuve va pouvoir procurer l'énergie nécessaire pour assurer le forage des canons.
Il
s'agit de couler des canons parfois fort lourds (environ
3,5 T pour un canon de 36), il est donc essentiel de prévoir des moyens
de transport aussi aisés que possible pour pouvoir approvisionner les
différents ports. Or les navires de transport maritime remontent jusqu'à
Indret et même au delà jusqu'à Nantes, c'est donc une position
géographique idéale sur ce point d'autant qu'Indret est bien centré par
rapport à Brest, Lorient ou Rochefort.. La Loire devient ainsi un moyen
exceptionnel de transport que ce soit en amont ou en aval de sa production.
En outre, le port d'Indret ne se situe pas en bordure de
côte. Il est donc à l'abri de toute incursion ennemie.
Nantes,
port situé sur ce fleuve, est le lieu où ont déjà eu lieu quelques essais préliminaires de
fonte de minerai avec du charbon de terre, technique appliquée par les Anglais depuis déjà
plusieurs années.
Enfin dans cette ville, on y trouve un Commissaire de la
Marine qui a la main haute sur toutes les affaires de Marine allant de Brest en
passant par Rochefort, jusqu'à ... Orléans. Il pourra donc surveiller très
aisément ce futur lieu qui ne va pas manquer de devenir stratégique.
Ensuite, il convient
de souligner qu'il s'agit d'implanter un domaine militaire qui doit donc
rester aussi discret que possible. Or, Indret est situé sur une île en Loire.
son accès par route demeure quasi impossible car si une digue
rejoint la rive sud depuis une vingtaine d'années, aucun chemin n'y
débouche. Cette dernière aboutit, en effet, au pied de rochers
d'accès difficile.
le site reste très caché puisque entièrement entouré de bois qui
le dissimulent à la vue des curieux, professionnels ou non «
l'isolement de celle-ci serait favorable à la mise au point, à
l'abri d'indiscrétions, d'une fabrication précieuse pour la défense
du royaume » écrit le Ministre.
Indret est une propriété royale depuis quelques temps déjà, il n'y a
donc point besoin de faire d'acquisitions de terrains.
Il existe à proximité
des carrières qui vont pouvoir fournir le sable de moulage nécessaire.
Et, cerise sur le gâteau, les canons doivent être essayés. Or, à
environ 300 mètres se trouve un coteau totalement désert sur lequel
pourront être tirés les boulets. Donc site idéal pour ces essais.
L'histoire montrera très vite que sur ce dernier point, les choses ne se
passeront pas aussi bien que prévu.