Indret : Une fonderie de canons ( 1777 - 1828 )



Une manufacture royale




C'est le 1er avril 1781 que les fonderies d'Indret, Ruelle et Forge Neuve devinrent manufactures royales par lettres patentes (Voir notre page spéciale avec le texte intégral). Cette nouvelle classification montrait l'intérêt de l'autorité royale vis-à-vis de ces usines qui étaient appelées à un dévelopement important.

En quoi consistait cette nouvelle fonction ?

Tout d'abord le Roi de France reconnaissait «  l'utilité » de ces implantations «  employées à Fabriquer et fournir des canons pour le service de notre marine ». Cette reconnaissance permettait :

d'« assurer de plus en plus le succès de ces établissements importants »
d'« encourager en même temps le zèle des entrepreneurs par de nouvelle marques de notre protection ».

Pour parvenir à ces fins, diverses prérogatives étaient attribuées à ces établissements et à leurs personnels qui devaient permettre de faciliter le travail dans ces nouvelles usines.



Pour maintenir le savoir-faire dans une entreprise, il convient avant tout d'assurer une certaine "stablilité" des emplois pour conserver la mémoire de l'acquis. Or, quelle manière plus efficace existe-t- il d'assurer cette stabilité si ce n'est que d'octroyer aux personnels concernés un certain nombre d'avantages.

1 - Ainsi dès le premier article, pour «  fabriquer à perpétuité des canons [...]  », pour assurer une bonne compétence des personnels et pour sauvegarder ce savoir-faire, des mesures "sociales" garantissant une certaine sécurité de l'emploi furent instaurées : « faisons très expresses défenses à toutes sortes de personnes de débaucher les ouvriers qui seront employés soit aux dites forges et fonderies, soit aux usines qui en dépendent à peine de trois milles livres d'amende applicable un tiers à Nous, un tiers aux hôpitaux des lieux et un tiers aux entrepreneurs des dites forges et fonderies ». En outre pour garantir le statut de ces usines, elles seront «  appliquées spécialement aux départements de notre marine préférablement à toutes autres fournitures ». Cet article fait transparaître l'intérêt porté par l'autorité royale dans cette expression « aux usines qui en dépendent ». Les usines de Moisdon et de Gravotel, sises dans le nord du département, qui approvisionneront Indret en fontes verront ainsi leurs ouvriers bénéficier de certains privilèges tant qu'elles pourront assurer leur mission de ravitaillement en matières premières.

2 - Cette stabilité des ouvriers dans les nouvelles manufactures se traduira par une embauche de 3 ou 6 ans, en contrepartie, ils ne pourront quitter leur emploi ou aller travailler ailleurs sauf «  par un congé exprès des dits entrepreneurs [...]  ». Toutefois, cette notion de droit de congé est étendue aux travailleurs puisqu'il y est également mentionné que celui-ci « ne pourra être refusé aux dits ouvriers lorsqu'ils le demanderont pour cause de maladie ou pour quelqu'autre demande légitime  ». Il est même prévu que si une telle demande était repoussée «  autorisons les dits ouvriers à s'adresser à qui de droit pour y être pourvus ». Compte-tenu de l'époque, nous sommes avant la Révolution, il s'agit là incontestablement d'une faveur insigne.

3 - Les manufactures royales déjà existantes dont certaines sont rappelées : « Charleville, Maubeuge, St Etienne et notamment en la ville de Tulle » bénéficient d'autres avantages. Il convient donc d'en faire bénéficier les nouvelles : « Voullons pareillement que les employés aux dites forges, fonderies et usines et que les ouvriers qui y travailleront et qui seront portés sur les rôles qu'en tiendra l'inspection soient exempts de tutelle, curatelle, corvée, logement de gens de guerre ». Les privilèges accordés ne s'arrêteront pas là puisque ces personnels, considérés comme travaillant pour la défense du pays, doivent pouvoir assurer leurs fonctions en tous temps, aussi : « Voullons aussi que les dits employés et ouvriers soient exempts de la milice et ne puissent sous aucun prétexte être enrôlés ni engagés par les officiers de nos troupes, à condition néanmoins qu'ils justifieront qu'ils ont constamment travaillé dans les dites forges, fonderies et usines pendant 6 mois avant leur engagement faute de quoi le dit engagement subsistera ». Le régime fiscal auxquels ils seront assujettis est même évoqué, en effet, il est prévu que « les dits employés et ouvriers soient taxés d'office à la taille personnelle, et dans le cas où ils feroient valoir leur bien propre, et prendroient quelques baux à ferme, ils soient assujettis à la taille d'exploitation, et taxés de même d'office en la matière accoutumée ».



3 - 1 : Elles seront accordées aux entrepreneurs qui auront la charge de faire fonctionner ces usines. Qui dit fonderie, dit minerai de charbon pour l'exploitation industrielle. Il sera donc « accordé par préférence aux dits entrepreneurs la faculté de faire ouvrir la terre pour en tirer la mine nécessaire à leurs travaux, de se servir des lavoirs, et d'en faire établir partout où besoin ». Cette faveur restera toutefois conditionnée :

à une autorisation royale
à un dédommagement accordé aux propriétaires des terrains «  avant de procéder aux dites ouvertures suivant l'estimation qui en sera faite par experts communs entre les parties ou nommés d'office par le Juge royal le plus prochain ».

3 - 2 : Le droit de traite consistait à percevoir une taxe sur les marchandises qui circulaient d'une province à l'autre. Y étaient soumis tous les produits qu'il s'agisse d'articles finis ou de matières premières. Désormais : « Toutes les matières de quelle nature qu'elles soient qui seront employées [...] à la fabrication des canons destinés pour notre marine, ainsi que les outils et ustensiles servant à la dite fabrication seront exemptés de droit de traite faisant partie du Bail de la ferme générale ainsi que de tous droits d'octroi, péages et autres généralement quelconques à Nous dûs ». Cette clause d'exemption s'accompagnait toutefois de conditions inhérentes à cette activité telles que droit de marquage des fers, de justificatifs dûment reconnus et ne dispensait pas pour autant de tout autre droit qui pouvait être perçu dans le cadre de règlements déjà édités.



L'intérêt stratégique déjà évoqué dans une page précédente amène l'autorité royale à prendre des mesures de sécurité particulières. Outre le fait que des représentants officiels demeurent perpétuellement sur place pour assurer une surveillance de tous les instants, une garde spéciale est instaurée : « Et attendu que nous prenons et mettons sous notre protection et sauvegarde spéciale les dites forges, fonderies et usines, permettons aux Entrepreneurs d'y avoir des Gardes revêtus de nos livrées et de faire mettre pour inscription sur les principales portes des dits établissements, fonderie royale de canons pour la marine ».