C'est le 1er avril 1781 que les fonderies d'Indret, Ruelle
et Forge Neuve devinrent manufactures royales par lettres patentes (Voir notre
page
spéciale avec le texte intégral). Cette nouvelle classification montrait
l'intérêt de l'autorité royale vis-à-vis de ces usines qui étaient appelées à un
dévelopement important.
En quoi consistait cette nouvelle fonction ?
Tout d'abord le Roi de France reconnaissait « l'utilité »
de ces implantations « employées à Fabriquer et fournir des canons
pour le service de notre marine ». Cette reconnaissance permettait :
d'« assurer de plus en plus le succès de ces
établissements importants »
d'« encourager en même temps le zèle des entrepreneurs
par de nouvelle marques de notre protection ».
Pour parvenir à ces fins, diverses prérogatives étaient
attribuées à ces établissements et à leurs personnels qui devaient permettre
de faciliter le travail dans ces nouvelles usines.
Pour maintenir le savoir-faire dans une entreprise, il
convient avant tout d'assurer une certaine "stablilité" des emplois pour
conserver la mémoire de l'acquis. Or, quelle manière plus efficace existe-t-
il d'assurer cette stabilité si ce n'est que d'octroyer aux personnels
concernés un certain nombre d'avantages.
1 - Ainsi dès le premier article, pour «
fabriquer à perpétuité des canons [...] », pour assurer
une bonne compétence des personnels et pour sauvegarder ce savoir-faire, des
mesures "sociales" garantissant une certaine sécurité de l'emploi furent
instaurées : « faisons très expresses défenses à toutes sortes de
personnes de débaucher les ouvriers qui seront employés soit aux dites
forges et fonderies, soit aux usines qui en dépendent à peine de trois
milles livres d'amende applicable un tiers à Nous, un tiers aux hôpitaux des
lieux et un tiers aux entrepreneurs des dites forges et fonderies ».
En outre pour garantir le statut de ces usines, elles seront «
appliquées spécialement aux départements de notre marine préférablement à
toutes autres fournitures ». Cet article fait transparaître
l'intérêt porté par l'autorité royale dans cette expression « aux
usines qui en dépendent ». Les usines de Moisdon et de
Gravotel, sises dans le nord du département, qui approvisionneront Indret en
fontes verront ainsi leurs ouvriers bénéficier de certains privilèges tant
qu'elles pourront assurer leur mission de ravitaillement en matières
premières.
2 - Cette stabilité des ouvriers dans les nouvelles manufactures
se traduira par une embauche de 3 ou 6 ans, en contrepartie, ils ne
pourront quitter leur emploi ou aller travailler ailleurs sauf «
par un congé exprès des dits entrepreneurs [...] ».
Toutefois, cette notion de droit de congé est étendue aux travailleurs
puisqu'il y est également mentionné que celui-ci « ne pourra
être refusé aux dits ouvriers lorsqu'ils le demanderont pour cause de
maladie ou pour quelqu'autre demande légitime ». Il est
même prévu que si une telle demande était repoussée «
autorisons les dits ouvriers à s'adresser à qui de droit pour y être
pourvus ». Compte-tenu de l'époque, nous sommes avant la
Révolution, il s'agit là incontestablement d'une faveur insigne.
3 - Les manufactures royales déjà existantes dont certaines sont
rappelées : « Charleville, Maubeuge, St Etienne et notamment
en la ville de Tulle » bénéficient d'autres avantages. Il convient
donc d'en faire bénéficier les nouvelles : « Voullons
pareillement que les employés aux dites forges, fonderies et usines et
que les ouvriers qui y travailleront et qui seront portés sur les rôles
qu'en tiendra l'inspection soient exempts de tutelle, curatelle, corvée,
logement de gens de guerre ». Les privilèges accordés ne
s'arrêteront pas là puisque ces personnels, considérés comme travaillant
pour la défense du pays, doivent pouvoir assurer leurs fonctions en tous
temps, aussi : « Voullons aussi que les dits employés et
ouvriers soient exempts de la milice et ne puissent sous aucun prétexte
être enrôlés ni engagés par les officiers de nos troupes, à condition
néanmoins qu'ils justifieront qu'ils ont constamment travaillé dans les
dites forges, fonderies et usines pendant 6 mois avant leur engagement
faute de quoi le dit engagement subsistera ». Le régime
fiscal auxquels ils seront assujettis est même évoqué, en effet, il est
prévu que « les dits employés et ouvriers soient taxés
d'office à la taille personnelle, et dans le cas où ils feroient valoir
leur bien propre, et prendroient quelques baux à ferme, ils soient
assujettis à la taille d'exploitation, et taxés de même d'office en la
matière accoutumée ».
3 - 1 : Elles seront accordées aux entrepreneurs qui auront la charge de
faire fonctionner ces usines. Qui dit fonderie, dit minerai de charbon pour
l'exploitation industrielle. Il sera donc « accordé par
préférence aux dits entrepreneurs la faculté de faire ouvrir la terre pour
en tirer la mine nécessaire à leurs travaux, de se servir des lavoirs, et
d'en faire établir partout où besoin ». Cette faveur restera
toutefois conditionnée :
à une autorisation royale
à un dédommagement accordé aux propriétaires des terrains «
avant de procéder aux dites ouvertures suivant l'estimation qui en sera faite
par experts communs entre les parties ou nommés d'office par le Juge royal le
plus prochain ».
3 - 2 : Le droit de traite consistait à percevoir une taxe
sur les marchandises qui circulaient d'une province à l'autre. Y étaient
soumis tous les produits qu'il s'agisse d'articles finis ou de matières
premières. Désormais : « Toutes les matières de quelle nature
qu'elles soient qui seront employées [...] à la
fabrication des canons destinés pour notre marine, ainsi que les outils et
ustensiles servant à la dite fabrication seront exemptés de droit de traite
faisant partie du Bail de la ferme générale ainsi que de tous droits
d'octroi, péages et autres généralement quelconques à Nous dûs ».
Cette clause d'exemption s'accompagnait toutefois de conditions inhérentes à
cette activité telles que droit de marquage des fers, de justificatifs
dûment reconnus et ne dispensait pas pour autant de tout autre droit qui
pouvait être perçu dans le cadre de règlements déjà édités.
L'intérêt stratégique déjà évoqué dans une page précédente amène l'autorité royale à prendre des mesures de sécurité particulières. Outre le fait que des représentants officiels demeurent perpétuellement sur place pour assurer une surveillance de tous les instants, une garde spéciale est instaurée : « Et attendu que nous prenons et mettons sous notre protection et sauvegarde spéciale les dites forges, fonderies et usines, permettons aux Entrepreneurs d'y avoir des Gardes revêtus de nos livrées et de faire mettre pour inscription sur les principales portes des dits établissements, fonderie royale de canons pour la marine ».